Le professeur kirghize qui enseigne le français depuis 52 ans
Par hasard…
La question souvent posée à Ilatbu est “Comment vous êtes devenu le professeur de français ?” - elle répond toujours ‘’ Par hasard ”. La société KirghizAsia a été créée en 2007, mais son histoire remonte à l'an 1965. Une jeune fille brune et de petite taille obtient son diplôme de fin d'études secondaires à Toktogoul et vient à Frunze (l'ancien nom de la capitale Bishkek) pour s'inscrire dans un établissement d'enseignement supérieur. Son rêve c’est de devenir professeur d'anglais. Elle se rend au département des langues étrangères pour s'inscrire en anglais mais malheureusement elle entend qu'il n'y a plus de place pour l'anglais, il n'y a que des places pour l'allemand et le français. Comme elle a déjà étudié l'allemand à l'école, elle choisit le français sans trop y réfléchir. Au même moment, elle développe un intérêt mystérieux pour cette langue qu'elle n'avait jamais entendue auparavant. C'est ainsi qu'elle commence à apprendre une nouvelle langue étrangère. Elle découvre un nouveau monde de français qui sera le sens de sa vie future.
Cette jeune fille s’appelle Ilatbu Satarova. Elle est têtue depuis l'enfance et a toujours obtenu ce qu'elle voulait. Elle devient la meilleure de son groupe, et elle est choisie par l’université pour un stage de langue de 2 mois en France. Dans tout l’URSS 38 étudiants ont été sélectionnés pour ce stage. Mais, un beau jour, elle est enlevée par son amour de lycée pour se marier. Il était aussi étudiant mais en médecine et il avait peur qu’elle quitte le Kirghizstan pour toujours. Telles sont les étranges coutumes de ce pays. Il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet, gardons-les pour plus tard.
Sous l'Union soviétique, pour voyager à l'étranger, les gens étaient formés à l'avance par le KGB et étaient toujours sous surveillance. En 1969, Ilatbu se rend en France pour la première fois. Tant d'impressions de la France qu'il n'y a pas de mots pour les décrire. Lorsqu'elle retourne au Kirghizstan, elle apprend que son mari a été envoyé travailler dans une autre ville, Kara Kul, et qu'ils doivent quitter Frunze. Elle était contrariée de devoir quitter la langue française et l'université, mais surtout son professeur de français, qui avait de si grands espoirs pour elle et la préparait à son remplacement, était contrarié. Mais avant de partir, elle pose une condition qu’elle ira dans cette ville si elle est autorisée à y enseigner le français. Kara Kul était une jeune ville qui s'est formée pendant la construction de la centrale hydroélectrique de Toktogul. Sa demande a été acceptée par l'administration de l’école. Elle y enseigne le français jusqu’à 1986 pendant 16 ans.
Entre temps la famille s’est agrandi avec 6 enfants. La famille se décide de s’installer dans leur région natale de Toktogoul où il y a toute leur grande famille. Mais, à Toktogoul aucune école n’enseigne le français. Donc elle est obligée d’enseigner l’anglais qui était sa deuxième langue à l’université. Un an plus tard elle devient directrice de l’école, mais elle continue d’enseigner l’anglais.
En 1988, l'URSS déclare l'année du 200e anniversaire de la Révolution française. Ilatbu en profite pour écrire une lettre au ministère de l'éducation pour introduire l'enseignement du français dans son école. Elle reçoit une réponse positive et recommence à enseigner le français. Mais ce qui est étrange, c'est qu'elle n'a jamais pensé à enseigner à ses enfants la langue qu'elle aime. Ce n'est qu'en 1995 qu'elle décide d'enseigner le français à ses deux derniers enfants. À l'époque, les quatre premiers étaient déjà étudiants en université et avaient quitté la maison.
Aujourd'hui encore, elle continue à enseigner le français dans son école, même si elle est à la retraite depuis 2005. Cette année, cela fait 52 ans qu'elle enseigne cette belle langue aux enfants kirghizes. En enseignant le français aux enfants, elle leur transmet également la culture française. L'histoire de notre mère explique pourquoi nous sommes une agence de voyage francophone. Son école a été reconnue comme la meilleure école pour l'enseignement du français parmi les écoles rurales du Kirghizstan, ce qui lui a valu d'être nommée Chevalier des Palmes Académiques par le gouvernement français.